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La crise du Crédit Immobilier de France

ANIL, extrait d'Habitat Actualité, septembre 2012

Dans un article intitulé, "La filière française de crédit à l’habitat est-elle performante ?" publié en janvier 2012, l’ANIL écrivait : Depuis 20 ans, le marché du crédit à l’habitat a vu la finance de marché se substituer, par étapes, aux circuits privilégiés mis en place par l'Etat au début des années 1950. Les circuits spécifiques de crédit qui ont longtemps représenté la quasi-totalité de cette offre ont laissé place à des systèmes banalisés. Aujourd’hui, l’essentiel de l'offre de crédit à l’habitat est le fait d’un petit nombre de réseaux puissants dominés par des banques dites universelles …/…De surcroît, parmi les établissements spécialisés, seul le Crédit immobilier de France est indépendant, puisque le Crédit Foncier appartient à BPCE et CETELEM au groupe BNP PARIBAS.

Le Crédit immobilier de France est un partenaire actif de la plupart des ADIL et ces dernières ont pu constater qu’il avait traversé la crise financière, comme l’ensemble des établissements de crédit français, sans montée significative des défaillances ou des impayés d’accession. Comment un tel établissement prêteur peut-il mourir en bonne santé ? Son modèle économique et financier était-il inadapté ?
Essayons de répondre de façon simplifiée. Alors que les banques universelles adossent une partie de leurs prêts à des ressources qu’elles collectent directement, dépôts, épargne-logement et livrets divers, et ne font appel au marché que pour le complément, au moyen de diverses techniques et principalement celle des obligations couvertes, covered bonds, un établissement spécialisé recueille l’ensemble de ses ressources sur le marché ; il emprunte en gros pour prêter au détail ; de ce fait, la dégradation de sa signature le prive de sa matière première.
Pour se refinancer, le Crédit immobilier de France s’appuyait d’abord sur une structure interne au groupe, CIF-Euromortgage, qui émet des covered bonds garantis par les prêts accordés (par le Crédit Immobilier de France). Le montant des prêts doit être surdimensionné par rapport aux obligations  émises, pour que les porteurs de titres soient assurés de rentrer dans leur fonds. Une seconde structure, la Caisse Centrale de Crédit Immobilier 3CIF recueille sur le marché sur sa propre signature, sous forme d’obligations classiques, les ressources complémentaires à l’adossement des prêts.
Il faut en outre rappeler que l’une des fonctions des établissements prêteurs consiste à combiner des ressources de différentes durées pour adosser des prêts longs. La trésorerie d’un tel groupe fait l’objet d’une gestion d’ensemble et les liquidités de CIF-Euromortgage sont naturellement placées dans la 3CIF.
Le déclenchement de la crise est venu de la baisse de la note accordée par l’agence Moody's à la 3CIF. Peut-être l’agence a-t-elle considéré que ce modèle de mono-industrie financière était par nature fragile, malgré l’abondance des fonds propres ? Elle a en tout cas clairement tenu compte de l’absence d’adossement du groupe à une "maison mère" de plus grande taille. Mais ce faisant, elle a rendu immédiatement exigible, pour des raisons liées à la réglementation des sociétés de crédit foncier, la trésorerie placée à la 3CIF par CIF-Euromortgage. En effet, la réglementation impose aux sociétés de crédit foncier de n’avoir dans leurs comptes que des créances parfaitement notées.
La garantie que l’Etat vient d’accorder permet de surseoir à ce transfert de liquidités.
Ainsi, cette crise de liquidités ne résulte en rien d’une montée des sinistres résultant de l’insolvabilité des accédants. Rien de commun, par exemple, avec la situation des banques espagnoles.
Quelles peuvent être les conséquences pour le marché du logement du retrait du Crédit immobilier de France ? Se trouvent immédiatement compromises des actions hors marché et de nature sociale, utilisant ce que l’on appelait le dividende social, et maintenant dénommé les missions sociales et qui correspondent à des obligations légales suite à l’ordonnance de 2006, dernière évolution légale du réseau. Ces sommes résultaient d’un partage des résultats des crédits immobiliers, dont le statut était proche de celui d’un bien de mainmorte. A ce titre, le Crédit immobilier de France a consacré en 2011, près de 40 millions d’euros à des opérations de lutte contre l’indécence et l’indignité du logement, d’adaptation au vieillissement et au handicap, à la remise en état des copropriétés dégradées, de lutte contre la précarité énergétique ou à des opérations d’accession très sociale à la propriété.
Au-delà de ces actions hors marché, peut-on dresser une typologie des accédants qui forment la clientèle du CIF et des caractéristiques des opérations qu’ils réalisent ? Les données concernant les opérations conduites avec un prêt à taux zéro en 2012, montrent que les ménages primo-accédants clients du Crédit immobilier de France sont les plus modestes, puisque leur revenu fiscal de référence est légèrement supérieur à 24 100€, alors qu’il s’établit pour l’ensemble des établissements à un niveau proche de 25 500 €, le montant moyen des opérations qu’ils conduisent étant légèrement inférieur à 172 000€, contre 183 000€ pour l’ensemble. La durée des prêts du CIF est plus longue, 346 mois contre 290 ; de ce fait les taux sont légèrement plus élevés, 4,46% contre 4,09%. Enfin, l’apport personnel des clients du Crédit immobilier est plus faible, 3% en moyenne contre 12,5%. Les chiffres de 2011 montraient que le Crédit immobilier de France était surtout actif en construction neuve, 46% des opérations contre 26% pour l’ensemble des établissements. Ces caractéristiques rapprochent le Crédit immobilier du Crédit foncier. Les revenus des ménages clients du Crédit Agricole et du Crédit Mutuel ne sont pas très éloignés, mais ces derniers disposent d’un apport personnel plus important et les prêts qu'ils souscrivent sont moins longs.

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